Nouvel entretien d'actualités de François Asselineau (15 décembre 2015)
François Asselineau vient de rendre public son dernier entretien d'actualités du 15 décembre 2015, intitulé de manière humoristique "le réveil de la Force", et qui devait être consacré aux résultats des dernières régionales. Comme à mon habitude, je vous propose un petit commentaire critique sans grandes prétentions des propos de François Asselineau, dont plusieurs sont assez croquignolesques.
1. Un long intermède anxiogène sur la dislocation de la France et le fantasme des euros-régions
J'ai dit "devait être consacré" aux régionales, car sur les 39 minutes promises à ce sujet, en fait près de 20 minutes concernent les aspirations indépendantistes de certaines régions françaises, suite aux résultats de l'élection en Corse ayant porté au pouvoir la liste rassemblant autonomistes et indépendantistes de Jean-Guy Talamoni et Gilles Siméoni. En soi, ce fait est bien évidemment une information importante, mais à mon avis François Asselineau fait une lourde erreur d'analyse en mettant en lumière cet aspect finalement marginal des élections régionales.
Bien entendu, le propos de François Asselineau sur le sujet est assez fantaisiste et exagère très largement un danger qui n'est pas près de se réaliser. Son idée, c'est que les régionales marqueraient le "début de la dislocation de la république française" de par l'arrivée au pouvoir des autonomistes corses, arrivés premiers à la faveur d'une quadrangulaire. Et c'est évidemment totalement exagéré, la Corse n'étant à l'évidence absolument pas sur la voie de l'indépendance, bien que l'accession au pouvoir régional de partisans de l'indépendance soit un événement d'importance, marquée par des déclarations spectaculaires de ces nouveaux élus. Les analyses politiques soulignent d'ailleurs dans l'ensemble cet événement (et bizarrement chaque article explique qu'il serait passé un peu inaperçu devant les enjeux nationaux). Simplement, en tirer les conséquences catastrophistes que fait François Asselineau n'est pas sérieux, et encore moins d'y voir la marque de l'UE et des intérêts euro-atlantistes.
Le mouvement nationaliste corse tire ses racines d'une histoire très longue et d'une richesse méconnue en France (et je conseille à tous la lecture de l'Histoire de la Corse et des Corses de Jean-Marie Arrighi et Olivier Jehasse, un livre de synthèse absolument remarquable). La Corse a évidemment une très forte particularité, une identité régionale très différente des autres régions françaises. Jean-Marie Arrighi et Olivier Jehasse concluent d'ailleurs de manière assez convaincante que les Corses forment bien une nation non pas indépendante mais dont l'existence est réelle avec des caractères bien marqués.
Il ne s'agit pas ici d'ouvrir un débat sur le bien fondé et la légitimité de la question de l'indépendance corse, débat qui risquerait de nous entraîner très loin et qui ne concerne d'ailleurs pas que les Corses eux-mêmes, puisque les "continentaux" ont eux aussi souvent démontré une certaine hostilité face à la Corse, vue comme une société arriérée et coûteuse pour les finances publiques. Ce que je remarque, c'est qu'incontestablement et bien que la Corse soit française depuis plusieurs siècles, elle reste une région au caractère très marqué, avec une histoire propre. Je rejette bien entendu toutes les accusations fantaisistes des nationalistes corses expliquant que leur terre est traitée comme une colonie, mais pour autant je ne suis pas stupide au point de nier les particularismes corses.
Quoiqu'il en soit et pour s'en tenir à la période récente, depuis 1975, les régionalistes/autonomistes/nationalistes font partie de la vie politique de la Corse, et il n'y a rien là de bien nouveau. Mais qu'on l'admette ou non, qu'on le veuille ou non, le fait est que la Corse est aujourd'hui fermement rattachée à la France. Ne serait-ce qu'économiquement, la Corse est aujourd'hui très dépendante de la France et il n'est pas sûr qu'elle forme un pays viable à elle seule, ne bénéficiant pas des atouts d'autres îles d'importance comparable (et on pense bien sûr à Malte, beaucoup plus petite mais qui accueille plus d'habitants). Culturellement, et malgré la réalité d'une culture corse propre, on ne peut que remarquer que bon nombre de Corses ne parlent qu'imparfaitement voire pas du tout leur langue (bien moins de la moitié des résidents de l'île). Démographiquement aussi la pertinence d'une indépendance corse pose question, puisqu'en réalité la plupart des Corses vivent, non pas en Corse, mais en France, où les Corses se sont intimement mêlés à la population française bien qu'ayant gardés une légitime fierté quant à leurs origines. Nous avons tous, nous autres métropolitains, sinon des origines corses, du moins des parents ou amis qui en ont : dans ma famille, c'est ainsi le cas bien que peu le soupçonnent puisque le nom n'a pas été transmis et que les aléas de la vie ont fait que plus rien ne nous y rattache à part peut-être une certaine tendresse pour cette terre. L'homme politique que je soutiens, Nicolas Dupont-Aignan est un parfait exemple de ce phénomène, ayant épousé une femme d'origine corse dont il a eu deux enfants. On peut également en dire autant de notre ancien président, Nicolas Sarkozy, dont c'est le cas de la première épouse, et bien entendu citer le cas de Charles Pasqua, récemment disparu, ex-patron de François Asselineau, qui a vécu la majeure partie de sa vie en Métropole.
La meilleure preuve que l'indépendance corse n'est pas à l'ordre du jour tient au scrutin de juillet 2003 où l'ensemble de la classe politique nationale avait fait campagne pour une nouvelle organisation institutionnelle censée accorder plus d'autonomie. Malgré une intense campagne en faveur du oui, c'est le non qui l'avait emporté (d'une courte majorité). Pas parce que le transfert des compétences était jugé insuffisant mais au contraire parce que les électeurs corses avaient interprété cette réforme comme une marche vers une différenciation de la situation corse par rapport à celle métropolitaine, perçue comme insupportable... C'est dire si l'indépendance, en 2003, aurait recueilli une part très minoritaire des votes et que si jamais un référendum sur la question était organisée aujourd'hui, le camp du "oui" serait probablement très inférieur aux 35% obtenus par les autonomistes et nationalistes aux régionales.
François Asselineau constate d'ailleurs bien que les résultats des autonomistes/nationalistes les rendent en fait largement minoritaires. Ces résultats sont en fait très proches en pourcentage de ceux des régionales de 2010 (35% aux deux élections), et seule la circonstance qu'il s'agisse d'une quadrangulaire en 2015 a permis l'arrivée au pouvoir des autonomistes/indépendantistes. Et ça, bizarrement, François Asselineau n'en parle pas ni n'en tire aucune conclusion... Peut-être parce que cela contredirait-il sa thèse catastrophiste?
Enfin, et cette critique du propos de François Asselinau est d'importance, le mouvement indépendantiste corse, s'il est effectivement une force politique, est d'autant plus minoritaire qu'il est contraint de s'allier aux autonomistes, dont le nom à lui seul signifie la difficulté de l'entreprise des nationalistes corse. Et cette distinction, pourtant fondamentale, François Asselineau fait tout simplement comme si elle n'existait pas! A 2min49, il dit même d'ailleurs de manière un peu confuse "quand on dit d'ailleurs les nationalistes, c'est en fait des autonomistes - en fait ce sont des indépendantistes, il faut appeler les choses par leur nom" : autant on peut assimiler - encore que cela prête à discussion - indépendantistes et nationalistes, autant on ne peut pas honnêtement le faire s'agissant des autonomistes : c'est malhonnête intellectuellement.
François Asselineau nous ressort ensuite l'exemple breton, qui pour le coup est totalement ridicule : les élections régionales bretonnes ont démontré si besoin était l'inexistence du
Mais là n'est pas l'essentiel. Ce qui m'importe dans le discours de François Asselineau, c'est cette idée que ces menées régionalistes soient favorisées par les intérêts "euro-atlantistes", espèce de fourre-tout bien pratique permettant de s'exonérer de mettre des noms sur les promoteurs de ces idées. François Asselineau va même beaucoup plus loin puisque selon lui le but de ces menées seraient de nous transformer en esclaves (13:40)! C'est quand même assez incroyable de bêtise : comme si qui que ce soit pouvait y avoir un intérêt! Et d'ailleurs, pour le coup, ce type de propos s'apparente rien de moins à des provocations à la haine à l'encontre des Etats-Unis, puisque c'est bien eux qui sont visés. Ce n'est rien d'autre que de la xénophobie pure.
La vérité, c'est qu'effectivement certains européistes et partisans du fédéralisme européen ont imaginé donner le plus d'importance possible aux régions européennes, afin, pensaient-ils, d'abattre la puissance des Etats-Nations, obstacles majeurs à l'avènement de leurs idées. C'est parmi eux que François Asselineau a pu trouver de quoi alimenter sa thèse un peu absurde. Mais toutes les prises de paroles et positions convoquées au soutien de cette thèse se révèlent à l'analyse tout à fait parcellaires et le plus souvent issues de commentateurs plus que d'acteurs, qu'il faut donc relativiser. Si l'UE a pu parfois favoriser l'échelon régional, elle lutte désormais clairement contre la tendance à la balkanisation de l'UE comme l'ont montré les exemples écossais et catalans. C'est que les régionalistes ont aussi très mauvaise presse : ils sont ainsi vus, et pas forcément à tort, comme des foyers de nationalistes réactionnaires (ou d'ultra-gauche, ce qui ne plaît pas plus à "l'oligarchie") et égoïstes : la conception des indépendantistes Corses de leur citoyenneté pose ainsi problème, excluant clairement les "immigrés" français présents parfois depuis plusieurs décennies, comme certains rapatriés d'Afrique du Nord. Quant à la forte communauté maghrébine, il ne vaut mieux pas en parler tellement le racisme à son égard est consternant : si vous êtes allés en Corse, vous avez peut-être vu un tag "Arabi fora", chose qu'on ne voit quasiment jamais en France métropolitaine, y compris dans les repaires présumés de l'extrême droite). Le racisme vis-à-vis des immigrés maghrébins serait d'ailleurs l'une des explications des succès nationalistes corses, qui ont eu l'habileté de conjuguer la défense de l'identité corse non plus seulement face à la Métropole mais aussi face aux immigrés maghrébins (dont la Métropole est accusée d'être responsable de l'arrivée, la boucle étant ainsi bouclée). Bref, la question européenne et du régionalisme est bien plus complexe qu'elle ne paraît et ne peut être résumée par les thèses simplistes de Pierre Hillard (qui a depuis la publication de son ouvrage minorité et régionalisme qui gardait encore un semblant de sérieux perdu toute crédibilité en plongeant dans le complotisme) : pour ceux qui veulent creuser la question, je leur propose un lien vers un débat autrement plus intéressant.
Il est d'ailleurs significatif que l'UPR prétende être le seul parti à s'opposer aux visées indépendantistes corses. S'agissant de Debout La France, c'est évidemment totalement faux, et Nicolas Dupont-Aignan, qui est, on le sait peu, de par sa famille étroitement rattaché à ce territoire, le rappelle à chaque fois qu'on l'interroge sur le sujet, comme ici). Debout la France ainsi que de nombreux autres personnalités politiques (dont Jean-Pierre Chevènement) ont d'ailleurs réagi de manière ferme à cette évolution suite aux régionales, assurément néfaste mais en rien catastrophiste, de la Corse.
2. L'élément principal expliquant l'échec de l'UPR aux régionales : l'incompréhension de la nature essentiellement locale de cette élection
Peu avant sa longue tirade sur la Bretagne, la Corse et leurs "indépendantistes", François Asselineau, du haut de son mirifique résultat de 0,94% des suffrages en Ile-de-France, se permet d'expliquer en quoi les autres candidats n'avaient rien compris en se consacrant aux thématiques régionales comme les problèmes de circulation ou de transports ferroviaires! Franchement, ces propos expliquent si besoin était l'échec de sa campagne, complètement à côté de la plaque : qu'il le veuille ou non, ces élections régionales sont centrées sur des enjeux locaux, et l'ensemble des thématiques portées par l'UPR, y compris même le redécoupage des régions par exemple (qui a été décidé à l'échelon supérieur), n'avaient en fait aucun intérêt dans ce cadre. A vrai dire, c'est même un miracle que l'UPR ait fait ce si pitoyable résultat.
3. Une analyse politique erronnée du scrutin des régionales
François Asselineau montre par la suite une nouvelle fois ses piètres qualités d'analyste politique en déclarant que Les Républicains auraient gagné un maximum de régions, alors qu'au contraire les régionales sont analysées partout comme un échec ou au moins comme un demi-échec pour la droite en général et Nicolas Sarkozy en particulier. Compte tenu des résultats catastrophiques du gouvernement et l'extrême défiance des Français envers la gauche, les LR, qui avaient réussi à se rassembler quasiment partout avec le centre, auraient dû remporter plus de régions : la Bourgogne Franche Comté notamment n'aurait pas dû leur échapper. Les régions PACA et Nord-Pas-de-Calais-Picardie quant à elles ne sont tombées dans son escarcelle que grâce à un désistement in extremis de la gauche. Bref, on peut tordre comme on veut les choses, mais le fait est que ces régionales ne sont pas si brillantes que cela pour les LR.
De manière aussi lourdaude que d'habitude, François Asselineau essaye également une nouvelle fois de minimiser le score du Front National, tentant de faire oublier que ce dernier a apporté un démenti cinglant à sa prédiction selon laquelle le FN ne rassemblerait jamais plus de 14% des inscrits (le chiffre final, au soir du second tour, est finalement ressorti à 15,03%). Bien entendu que cette progression n'a pas suffi pour assurer au FN son accès au pouvoir, mais reste que François Asselineau avait fait une prédiction qui s'est révélée fausse : l'élégance aurait voulu qu'il le reconnaisse, ce qu'il ne fait bien évidemment pas.
4. François Asselineau, illustration de l'arrogance française qui nous fait tant détester
Enfin, sur les autres sujets de fond abordés, François Asselineau parle du succès de la Cop21, qu'il attribue à la qualité de la seule diplomatie française (à 41min 51, il lance même : "et puis là quand la France s'est retrouvée seule à la manoeuvre")... Sans à aucun moment ne serait-ce que parler du rôle éminemment central des Nations-Unies, sous l'égide desquelles s'est tenue toute la conférence : on trouve là chez François Asselineau ce tropisme bien français d'une certaine arrogance qui nous rend si insupportable. Que Laurent Fabius et François Hollande tentent de tirer de ce succès diplomatique des avantages politiques est de bonne guerre, mais je dois avouer que ce lamentable exercice de morgue me déplaît souverainement.
5. Le retour de la force : qu'est ce que veut François Asselineau?
Je passe sur la dénonciation de la domination des esprits et le ridicule de François Asselineau dans son vain combat contre "Star Wars" : on peut comme moi être séduit par les effets spéciaux et les diverses trouvailles de cette saga tout en en déplorant son abyssale nullité intellectuelle et son absence totale de réelle profondeur sans pour autant y voir une forme d'acculturation. Star Wars est un phénomène de société, et s'il a du succès, c'est avant tout parce que ces films ont plu au public et sont devenues des références. Bien sûr, tout le marketing et le matraquage des publicités sont énervants, y compris pour les fans de la série (dont je ne fais pas partie), mais enfin au bout d'un moment, il faut arrêter de travestir la réalité : si les médias en parlent autant, c'est aussi parce que cette saga suscite un véritable engouement du public, parce qu'il y a une forte demande internationale à ce sujet.
Comme toute puissance dominante, la culture américaine rayonne, pour le pire comme pour le meilleur, dans le cinéma comme ailleurs : il est tout à fait naturel que les Américains tentent de nous séduire par leur culture, et ils ont des arguments à faire valoir de ce point de vue (dont je ne suis pas sûr que "Star Wars" soit tout à fait le meilleur vecteur). Ce qui est ridicule, c'est de croire que derrière cette volonté de séduction se cacherait de noirs dessins, que les Etats-Unis chercheraient à nous acculturer... Ils cherchent tout simplement à nous influencer, tout comme nous l'avons fait dans le passé.
Le propos de François Asselineau d'ailleurs débouche sur une impasse : que veut-il faire pour lutter contre cette vague de Star Wars? Interdire les projections? Forcer les médias à parler du dernier nanar de Lellouch qui va, je l'espère, faire un bide?
L'exemple du cinéma est probablement d'ailleurs l'un des plus mauvais que peut prendre François Asselineau quant à l'asservissement de notre pays puisqu'il s'agit d'une "industrie culturelle" où notre pays se défend le mieux, quoiqu'on pense de notre production hexagonale.
6. Et toujours ces maladresses de forme
Sur la forme, on peut encore remarquer que François Asselineau a une fois de plus l'air d'un sac. Son costume paraît élimé et fait contraste avec une cravate trop neuve. Pire, il a l'air trop grand pour lui, formant des plis pour le moins disgracieux : ce n'est évidemment pas de sa faute, mais François Asselineau n'a pas un physique facile. Et malheureusement, dans ce cas là, le moindre impair fait tout de suite encore plus tâche : le cameraman n'aurait-il pas pu lui dire de changer de veste? Ou tout simplement au moins d'en gommer les plis! De même, lorsqu'il parle, François Asselineau a des tics très désagréables à regarder, sa bouche se tordant sur sa gauche, dans le même temps que sa tête penche sur la droite, lui donnant un aspect assez inquiétant (par exemple à 13:39). L'urgence, ce serait de lui payer une maquilleuse et un relooker, parce que là il fait vraiment peur.
Et de plus, François Asselineau persiste dans cette déplorable habitude de se lancer des fleurs, prétendant à tout bout de champs que les faits lui donnent raison, notamment sur la Turquie ou sur le FN. C'est ridicule et cela fait mauvais effet : l'auto-glorification, si elle remotive les troupes, donne une image complètement décalée et pour tout dire sectaire.
Enfin, on note de manière amusée que François Asselineau se livre aussi encore une fois à ses rodomontades habituelles, qui sont à proprement parler ridicules : ainsi, alors qu'il revenait une nouvelle fois sur l'invitation de Jean-Marie Le Pen à l'émission politique "l'heure de vérité" en 1984, où il avait crevé l'écran (à 29min32) : "que l'on me donne cette même, cette même fenêtre d'ouverture et vous verrez ce que deviendra l'UPR dans la minute"... Le seul problème pour François Asselineau, c'est que, on lui a donné, toute proportion gardée, cette fenêtre d'ouverture, lors de son passage à l'émission "On n'est pas couché", et le moins que l'on puisse dire c'est qu'il n'y avait pas fait d'étincelles et que sa prestation n'était pas restée dans les annales...