Bref commentaire sur l'affaire de Pénélope Fillon
La déferlante de l'affaire François Fillon n'en finit pas d'accaparer l'espace médiatique.
Tout a été dit et redit par la plupart des grands médias sur cette affaire minable à tous les points de vue sur laquelle je ne vais pas revenir outre mesure1.
Pour ma part, je pense que politiquement, François Fillon aura énormément de mal à s'en relever. Il vient aujourd'hui d'assurer solennellement qu'il poursuivra sa campagne, mais je crains pour lui qu'elle ne se transforme en chemin de croix et je doute qu'il puisse la mener jusqu'à son terme, a fortiori qu'elle soit victorieuse.
Pour que François Fillon surmonte cette affaire, il aurait fallu qu'il réagisse beaucoup plus tôt et en présentant une tout autre défense. Il aurait dû reconnaître à demi-mot que sa femme ne travaillait pas vraiment pour lui et admettre carrément que l'employer constituait pour lui un moyen d'augmenter sa rémunération, ce qui constituait une pratique courante à l'époque (et qui perdure encore largement). Laquelle il a bien entendu abandonné lorsque les règles ont changé et qu'il est devenu obligatoire de déclarer le nom des assistants parlementaires2. Il aurait aussi pu axer sa défense bien plus qu'il ne l'a fait sur la manipulation grossière que constitue la présentation globale de sommes versées sur une très longue période, en brut alors que tout en chacun, pour considérer ses rémunérations, calcule bien entendu en net. Enfin et surtout, s'il voulait jouer comme Hervé Gaymard en son temps, rembourser les sommes perçues. Voire même mettre en vente son château (bon, cela aurait été un peu too much). Et si la polémique n'aurait pas été close, si l'image de François Fillon serait restée quoiqu'il arrive très abîmée, j'ai la faiblesse de penser que la situation n'aurait pas été si catastrophique pour lui et qu'il aurait conservé, au vu du spectacle déplorable que nous offre le reste du spectre politique, toutes ses chances d'accéder à la magistrature suprême.
Maintenant, peut-être que je me trompe et que François Fillon y parviendra tout de même.
Personnellement, moi, l'affaire Pénélope Fillon et des deux enfants du couple ne me fait ni chaud ni froid. Ce n'est pas très classe ni très légal, c'est certain. Maintenant, c'était une pratique et ceux qui poussent des cris d'orfraie parce qu'un assistant parlementaire n'est pas censé s'occuper des campagnes électorales où s'engage son député (soit précisément les seules tâches que Pénéloppe Fillon reconnaissait avoir réalisées) me font un peu marrer. La plupart ne connaissaient même pas l'existence de cette règle avant qu'elle leur soit expliquée!
Je trouve que nos parlementaires sont relativement bien payés, mais qu'ils pourraient l'être plus : pour que ce soit équivalent pour les dépenses publiques, il suffirait de réduire leur nombre à 400 comme ce que propose Nicolas Dupont-Aignan (qui voulait lui réduire également leurs émoluments, mesure un peu démagogique à mon goût). Bref, tout ça pour dire que cela ne me choque pas plus que ça.
Ce qui me dérange plus, c'est l'affaire de sa société et de l'emploi de sa femme à la prestigieuse revue des deux mondes. Quelle a été la contrepartie de ces rémunérations? François Fillon est-il tenu par qui que ce soit? Tant pis si j'en choque certains, mais je trouve plus gênant de se foutre 100.000 euros dans les poches lorsqu'on ne connaît pas la contrepartie promise par un responsable politique à des personnes indéterminées que de constater qu'un homme politique a directement ponctionné 1.000.000 euros au contribuable (même si on pourrait craindre que François Fillon soit alors resté dans la main de ceux qui auraient pu le faire chanter sur ce sujet, crainte qui a disparu avec la révélation effective de ses pratiques pour le grand public).
Sur l'origine de l'affaire, François Fillon dénonce l'action d'officines obscures et d'un complot contre lui, le vainqueur surprise des primaires. Pour moi, et c'est bien là l'erreur de communication de François Fillon de l'avoir négligé, cette réponse n'épuise en rien les questions qui lui sont posées.
L'analyse que je fais, c'est que François Fillon est complètement grillé et n'a pas d'autres portes de sortie que de tenter par tous les moyens de s'accrocher à sa candidature. Lui est à fond, il ne lâchera rien à moins d'être contraint de le faire. Toute la question est de savoir s'il le sera. Parce que se posera immédiatement la question de par qui le remplacer.
A priori, ses deux principaux rivaux lors de la primaire sont out, en raison surtout de la claque reçue par eux lors de cet exercice (Nicolas Sarkozy, en ne parvenant pas au second tour malgré son titre de président des LR et surtout d'ancien Président de la République, Alain Juppé du fait de sa sèche défaite alors qu'il était le candidat favori adoubé par les médias3). Je peux me tromper, mais je ne vois pas les trois autres "poids lourds" ayant participé à la primaire (Bruno Le Maire, Nathalie Kosciusko-Morizet et Jean-François Copé), auteurs de scores faibles voire ridicules, émerger comme des candidatures crédibles.
Qui d'autres alors? Les noms que j'ai pu lire ici ou là ne me paraissent pas vraiment crédibles non plus. François Barouin, le nom qu'on cite le plus, me paraît un peu trop falot. Il faisait partie de l'équipe Nicolas Sarkozy dont il était annoncé comme le premier ministre, mais même Nicolas Sarkozy confessait un certain mépris à son égard et il n'a pas vraiment brillé pendant la campagne des primaires.
J'apporte plus de crédit à Laurent Wauquiez, mais lui aussi me paraît un peu tendre : ce serait pourtant de loin le candidat qui aurait mes préférences, étant sans doute le plus eurosceptique de tous Les Républicains. Autre hypothèse : le rusé et matois Xavier Bertrand, dont le profil rassurant et technique pourrait faire mouche. Reste qu'il n'est pas très aimé des autres hommes politiques ni très connu des Français. J'écarte Gérard Larcher, pas antipathique au demeurant, mais enfin on parle quand même des présidentielles.
Quant à François Bayrou, j'ai un peu du mal à y croire. Ses tergiversations avec Alain Juppé n'étaient pas très claires et j'ai l'impression que son heure est passée et que c'est ainsi que le considèrent l'ensemble des observateurs politiques. De plus, il fait l'objet d'un rejet viscéral de la part d'une partie de la droite, sarkosyste mais pas seulement. En tous les cas, les difficultés de François Fillon devraient le pousser à se porter candidat, ce dont il menaçait clairement ce dernier il y a peu. Mais en a-t-il seulement les moyens?
Henri Guaino, je ne le vois pas décrocher ses parrainages, donc je pense que la question ne se posera pas4.
Ce que je vois dans cette affaire, c'est que François Fillon poursuivra jusqu'au bout et qu'une autre candidature crédible mettra forcément du temps avant d'émerger. Au minimum, pendant une certaine période de temps (qui dure déjà depuis 2 semaines, alors que l'élection présidentielle a lieu dans moins de 80 jours), les LR seront en plein désarroi, soit avec leur candidat plombé par cet affaire, soit carrément sans candidat, soit avec un candidat faible.
A part Marine Le Pen et Emmanuel Macron, celui qui se frotte les mains, même si bien entendu il ne l'avouera pas, c'est Nicolas Dupont-Aignan pour lequel la désignation surprise de François Fillon avait incontestablement marqué un coup dur : la concurrence de ce Séguiniste historique, au passé souverainiste bon teint (mais complètement renié), ayant une image de probité et de sérieux à même de séduire l'électorat bourgeois raisonnable convoité également par Nicolas Dupont-Aignan lui avait fait incontestablement du mal (si bien que les sondages, tutoyant les 8% avant sa désignation et presque toujours au moins à 4%, étaient tombés à un ridicule et d'ailleurs suspect 1%).
L'intérêt de Nicolas Dupont-Aignan5, c'est que les difficultés du candidat LR (qu'il s'agisse de François Fillon ou de son remplaçant) perdurent le plus longtemps possible, de manière à lui permettre de capitaliser dessus. Et c'est d'ailleurs déjà un peu le cas, puisque les derniers sondages l'indiquent en progression, le dernier en date à 3%.
Ceci étant dit, j'invite mes camarades de Debout la France à raison garder. Qu'on le veuille ou non, les idées défendues par Nicolas Dupont-Aignan sur l'Europe, sur l'euro, qui sont au coeur de son programme, sont très loin d'emporter l'adhésion de la majorité des Français ainsi que des sympathisants UMP/LR. Alors si effectivement quelques militants dégoûtés des pratiques LR, soit légèrement eurosceptiques soit inconscients, nous rejoignent et nous rejoindront encore, je ne pense pas que ce sera un mouvement de masse (mais j'espère me tromper).
La réalité, c'est que celui qui en profite le plus à l'heure actuelle, c'est Emmanuel Macron, qui recrute beaucoup à droite, particulièrement dans la droite la plus libérale. Peut-être que cette baudruche éclatera, mais pour l'heure ce n'est pas le cas.
1. Enfin, je ne peux pas résister quand même à vous mettre en lien l'interview absolument surréaliste de Rachida Dati par Jean-Jacques Bourdin d'il y a quelques jours. Entre autres perles, à un moment, Rachida Dati explique, pour exprimer le décalage entre la perception par François Fillon et les Français des rémunérations substantielles perçues par l'épouse du premier pour un travail évanescent, qu'elle aurait, elle, une famille nombreuse à charge à charge et donc qu'elle savait ce que c'était. Elle qui touche la somme de rien de moins que 200.000 euros pour l'enfant dans le dos qu'elle a fait au malheureux Dominique Desseigne!
Au delà du ressentiment exprimé par Rachida Dati, qui déteste cordialement et de longue date François Fillon, il y a un point où je trouve qu'elle touche juste : même si François Fillon est difficilement défendable, il est quand même notable de voir que bon nombre de ses ralliés, et particulièrement ceux récents, ne se pressent pas pour le défendre, à l'instar de l'autre bête noire de Rachida Dati, Nathalie Koscisuko-Morizet... La cruauté de la politique à la fois me fait horreur et me fascine.
2. Le fait que François Fillon ait mis fin aux fonctions de sa femme peu avant l'entrée en vigueur de cette législation montre d'ailleurs qu'il avait bien conscience du problème auparavant.
3. En revanche, je crois que sa condamnation pour une affaire d'emplois fictifs n'entre pas vraiment en ligne de compte, bien qu'elle soit souvent rabâchée par les médias et autres intervenants. Dans le cas d'Alain Juppé, il s'agissait d'emplois fictifs dans le cadre d'un mouvement politique, où d'ailleurs il couvrait quelqu'un (Jacques Chirac), et où surtout aucun enrichissement privé n'était en cause. En revanche, s'il faut faire un parallèle dans les deux affaires, je décèle un peu la même maladresse dans la défense de François Fillon d'aujourd'hui avec celle d'Alain Juppé à l'époque.
4. Je ne parle pas de candidatures fantaisistes du style de Rama Yade ni de Michèle Alliot-Marie, qui n'ont aucune chance d'aller au bout et qui font, chacune dans leur style, un peu pitié. C'est uniquement dû à ma sympathie pour lui que j'ai inclus Henri Guaino dans mon article. Quant à François Asselineau, je pense qu'il sera candidat mais son score sera à coup sûr très faible et je ne pense pas que l'affaire Fillon ait un quelconque impact sur lui.
5. J'hésite à en parler, mais on pourrait me reprocher de ne pas le faire alors crevons l'abcès dans une note de bas de page : Nicolas Dupont-Aignan est parfois accusé d'être mal placé pour critiquer François Fillon parce que son épouse est également son assistante parlementaire. La différence, c'est que son épouse, qui se prénomme Valérie, travaille effectivement ce dont tout son entourage peut convenir. Nicolas Dupont-Aignan a rencontré son épouse sur les bancs de Sciences-Po, elle a été avocate... Le travail que j'ai vu de Valérie Dupont-Aignan, à l'occasion des campagnes électorales (soit en dehors des attributions d'un attaché parlementaire) et dont je peux personnellement témoigner était très conséquent (mais d'ailleurs, comment le distinguer réellement? pour moi cette règle est un peu absurde et assez hypocrite). Je ne doute pas que son travail d'attaché parlementaire stricto sensu est réel. D'ailleurs, il n'est contesté par personne. J'ajoute enfin que contrairement à François Fillon, Nicolas Dupont-Aignan n'a jamais réservé la totalité de l'enveloppe consacrée à la rémunération des assistants parlementaires à son épouse puisqu'il emploie également une assistante et une autre assistante parlementaire. Compte tenu des diplômes et de l'expérience professionnelle de ces deux autres personnes, il est probable que Valérie se taille la part du lion dans ses 7.000 euros et quelques bruts mensuels, mais il m'étonnerait beaucoup que ce soit plus de la moitié de la somme.