Premier débat entre François Asselineau et Nicolas Dupont-Aignan
François Asselineau et ses partisans le réclamaient à corps et à cri depuis des années, mais le premier débat entre le président de l'Union Populaire Républicaine et le président de Debout la France a finalement eu lieu. On se rappellera que François Asselineau avait prétendu que Nicolas Dupont-Aignan aurait tout tenté pour éviter qu'un tel débat se tienne, étant censé avoir peur de lui... Fanfaronnade d'autant plus ridicule, qu'il s'est avéré qu'elle était sans aucun fondement : s'il est vrai que lors de la campagne des régionales 2015 Nicolas Dupont-Aignan avait finalement annulé sa participation à un débat sur la confidentielle radio sensation, en fait il n'avait jamais été prévu qu'il débatte avec François Asselineau, devant participer à une autre table ronde. Il est donc totalement faux de prétendre que cela aurait été par peur de battre le fer avec François Asselineau. De quoi Nicolas Dupont-Aignan aurait-il eu peur d'ailleurs, puisque le passage de François Asselineau avait été objectivement assez mauvais?
En tous les cas, on voit là une nouvelle fanfaronnade de François Asselineau qui se révèle, comme toutes les autres, fausses.
Analyse du débat sur la forme
Que faut-il retirer de ce débat? A-t-on eu droit à un clash dont internet est si friand? Eh bien finalement, pas du tout, Nicolas Dupont-Aignan ayant eu l'intelligence de ne pas réagir aux quelques piques de François Asselineau. Nicolas Dupont-Aignan a eu même l'élégance de soutenir la demande assez incongrue dans le débat de François Asselineau d'être interviewé par Le Figaro, un de leur journaliste participant à la table ronde.
En effet, François Asselineau et Nicolas Dupont-Aignan n'étaient pas seuls sur le plateau : participaient également, outre le modérateur de TV Agri, Philippe Chalmin, économiste que je qualifierais de très libéral, Eric de la Chesnais, journaliste au Figaro donc et spécialiste de l'agriculture, et enfin un agriculteur, président d'une coopérative. Le sujet était bien entendu la politique agricole commune et l'Union Européenne.
Très honnêtement, François Asselineau est apparu tout de même relativement effacé lors de ce débat, les deux protagonistes essentiels étant Nicolas Dupont-Aignan et Philippe Chalmin, autour desquels se polarisaient les questions et sur lesquels les autres débatteurs rebondissaient, l'inverse étant plus rare (l'agriculteur soliloquant pour sa part un peu tout seul dans son coin). En temps de parole, je n'ai pas fait le décompte exact, mais il est évident que François Asselineau s'est moins exprimé que Nicolas Dupont-Aignan, et ce de manière très nette.
En tous les cas, le ton est resté celui du débat, certes un peu passionné, mais relativement respectueux, à une notable exception près et dont je suis désolé de noter que c'est Nicolas Dupont-Aignan qui en est le responsable.
Le fond de la controverse
C'est d'abord Nicolas Dupont-Aignan qui a été interrogé, et il a déroulé son discours habituel sur le sujet agricole, fustigeant la folie de la suppression de la régulation des marchés et en particulier la fin des quotas laitiers. Il a notamment souligné l’hypocrisie des dirigeants actuels et passés qui ont accepté ce système. Il a également beaucoup insisté sur les exemples étrangers, montrant que la dérégulation en matière agricole était l'exception. Je ne sais pas si c'était pour couper l'herbe sous le pied de François Asselineau*, mais Nicolas Dupont-Aignan, dans cette première intervention, explique à juste titre qu'il ne faut pas se laisser aller à la sinistrose ambiante et renoncer avant même d'essayer sous prétexte que réformer l'Europe serait impossible. Et il prend un exemple à mon sens assez imparable avec l'accord obtenu par David Cameron sous la menace du Brexit.
Lorsqu'il prend la parole, François Asselineau est donc dans une situation un peu difficile : que dire de plus sur le fond du sujet par rapport à ce qu'a déjà dit Nicolas Dupont-Aignan? Un politicien plus habile aurait fait comme si ce qu'il avait dit n'avait pas existé et aurait reformulé exactement la même chose en tentant de faire oublier ce qu'a dit le prédécesseur dont il convoite la place. Je ne dis pas que c'est facile, mais François Asselineau tombe malheureusement dans le panneau de simplement réagir aux propos de Nicolas Dupont-Aignan, montrant d'ores et déjà qu'il subit le débat. En revanche, il ne commet pas l'erreur de répondre bille en tête, troussant une transition que l'on pourrait presque qualifier d'habile si le fond du propos n'était pas si violent, en regrettant que le stand de la commission européenne n'ait pas été saccagé. Mais du coup, son intervention est trop courte et il ne répond pas en fait à l'argument employé par Nicolas Dupont-Aignan.
Les intervenants suivants ne s'y trompent pas et le propos de François Asselineau, dont la radicalité (la seule solution consisterait en la sortie de l'UE pour sauver notre agriculture) devrait dans un débat normal polariser la discussion, n'est pas repris : pour moi, on voit bien là que les thèses de François Asselineau ne sont pas au cœur du problème. Je note tout de même qu'à l'argument de François Asselineau selon lequel nous ne sommes qu'un parmi 28, Philippe Chalmin l'approuve ouvertement, ce qui devrait quand même lui mettre la puce à l'oreille quant à sa pertinence.
La théorie de François Asselineau suppose de partir vaincu alors que tout nous montre que rien ne justifie une telle attitude
Sur le fond du sujet abordé, je crois vraiment que c'est Nicolas Dupont-Aignan qui a raison. Bien sûr, les temps ont changé depuis que Charles de Gaulle avait réussi à obtenir, dans le cadre de l'Europe des 6, ce qu'il voulait grâce à la politique de la chaise vide. Mais, si on regarde d'un peu plus près, la plupart des observateurs s'accordent sur un point essentiel (dont convenaient les participants au débat) : les reculs de la régulation économique du secteur agricole s'expliquent surtout par le désintérêt des hommes politiques pour le monde agricole et la faiblesse de ce dernier, qui n'est plus un lobby suffisamment puissant pour contraindre nos dirigeants à les défendre (c'est notamment Philippe Chalmin qui l'exprime). Et à mon humble avis, c'est surtout ça qu'il faut changer, et le fait que nous soyons 28 ou que le poids de la France se soit dilué est tout à fait secondaire face à cela. Il faut bien le comprendre : nos dirigeants sont trop heureux de se laver les mains en prétendant que c'est l'Union Européenne qui impose la fin de la régulation économique du secteur agricole qu'ils souhaitent en réalité. Mais il est évidemment politiquement beaucoup plus facile de faire endosser par l'Europe cette responsabilité.
Lorsqu'il reprend la parole (fort tard d'ailleurs, à 8 min dans un débat qui en compte 17), François Asselineau ne fait d'ailleurs que reprendre Nicolas Dupont-Aignan. Et il le reprend sur l'argument massue employé plusieurs minutes plus tôt par NDA sur David Cameron, ce qui montre bien sa portée. Ce n'est pas le lieu de faire une analyse appronfondie sur l'accord obtenu par ce dernier, mais enfin, si bien entendu il y a une part de calcul parmi les protagonistes**, qui ont tous intérêt à faire monter la sauce sur les dérogations consenties au Royaume-Uni, les faits sont là : les traités seront modifiés et l'UE est réformée, de fait. Lorsque François Asselineau prétend que ces dérogations sont contraires au droit, il a bien sûr raison : les solutions adoptées relèvent du bricolage institutionnel (notamment l'accord avec le Royaume-Uni ne sera en fait transposé dans les traités que si le Brexit n'a pas lieu et à la prochaine révision des traités). Mais là où François Asselineau se trompe lourdement, c'est lorsqu'il prétend que l'accord arraché n'a aucune valeur et que le Royaume-Uni pourrait être condamné par l'UE si jamais il l'appliquait.
Au delà du fait que c'est juridiquement tout à fait faux, puisque ces accords ne lient pas seulement le Royaume mais l'ensemble des pays membres de l'UE et qu'on voit mal une action en justice à leur encontre, il est évident qu'aucune cour de justice, aussi européiste et anglophobe soit-elle, n'acceptera de les casser. Pour le coup, ce serait le Brexit assuré à 100%.
La vision qu'a François Asselineau de ce point relève pour moi d'un juridisme étroit particulièrement naïf : en politique, il ne faut pas simplement s'arrêter au seul respect du droit, qui n'est qu'un aspect du problème. Et sur cette question, tout le monde se fout du droit, par ailleurs passablement contradictoire. C'est se lier les mains que de vouloir le respecter alors que personne ne le fait. Mon propos est là sans doute un peu brutal et peut paraître choquant à certains, mais c'est ainsi. Mais ce n'est pas non plus chez moi une position uniquement à l'emporte pièce, sans justification théorique : au dessus du respect formel du droit, on trouve bien entendu la réalité et la légitimité, c'est là notamment l'enseignement de l'épopée gaulliste.
D'ailleurs, cet argument est passablement antinomique avec l'autre invoqué par François Asselineau, selon lequel ce qu'aurait obtenu David Cameron ne serait que des "peccadilles". Si c'était vraiment le cas (et c'est assez faux), le fait que ces avancées aient une valeur ou non est sans importance, et on ne comprend pas pourquoi François Asselineau s'est donné autant de mal pour prétendre l'inverse.
L'estocade portée à l'encontre de François Asselineau
A 11 minutes 53, après avoir repris la parole, Nicolas Dupont-Aignan porte l'estocade à François Asselineau, lorsqu'il dit "Reconstruisons une politique agricole commune à peu de pays ou quittons le système, mais avant de le quitter, renégocions, et si ce n'est pas renégocié, on s'en ira. Mais je suis absolument convaincu qu'il y a une marge de réorganisation". La formulation relève de l'oralité et n'est bien entendu pas parfaite, mais enfin l'essentiel y est : NDA ne se ferme aucune porte et sa position est plus intelligente puisque plus souple que celle de FA, qui lui a une proposition plus limitée, moins ouverte.
Et à cet argument, bien évidemment, François Asselineau ne peut pas répondre et heureusement pour lui, c'est Philippe Chalmin qui reprend la parole.
De manière significative, lorsqu'il reprend la parole, François Asselineau ne peut que reprendre l'argument d'impuissance qu'il avait déjà évoqué, montrant par là son manque de renouvellement : à un parmi 28 selon lui, on ne pourrait rien faire (ce qui est assez ridicule : dans ce cas, la France devrait se retirer de toutes les organisations internationales ayant plus de quelques membres?).
Ensuite, il explique qu'il serait impossible pour la France de lutter contre Bruxelles, en prenant l'exemple de la transposition de la directive OGM... Et malheureusement pour lui, sans vous faire un cours sur les méandres de cette question dont on trouvera un utile résumé ici, il se trompe lourdement puisque l'exemple de condamnation qu'il cite n'existe pas: en effet, la France n'a pas été condamnée à payer des astreintes de 360.000 euros par jour de retard, puisqu'au moment où l'arrêt est intervenu, la directive était transposée***. Cet exemple est d'ailleurs assez significatif de l'erreur dans laquelle s'enfonce François Asselineau, parce que les OGM sont justement l'un des rares exemples de recul de l'Union Européenne et de ses dérives que l'on qualifiera par commodités de "libérales", face aux Etats et à l'opinion publique**** : la première directive objet du litige de 2001 a été amendée et désormais, grosso modo, les Etats peuvent, s'ils le souhaitent, refuser légalement les OGM. A n'en pas douter, en 2001, si nos gouvernants (et pas seulement français, c'est valable également pour les Allemands, où l'opinion publique est encore plus sensible sur le sujet) avaient réellement tapé du poing sur la table, il n'y aurait jamais eu cette directive relative à la dissémination volontaire d'OGM dans l'environnement (le titre à lui seul de cette directive est une provocation).
L'erreur gravissime de Nicolas Dupont-Aignan
Je signale simplement que je désapprouve totalement la référence par Nicolas Dupont-Aignan à Pétain et de Gaulle, en réponse à Philippe Chalmin qui le critiquait pour son manque de réalisme. Franchement, et c'est sans doute le point qui me laisse le plus mitigé dans ce débat : Nicolas Dupont-Aignan perd là l'avantage décisif qu'il venait de remporter sur François Asselineau : cette accusation ridicule, indigne de lui, ne fait que le desservir, et j'en ai vraiment assez qu'on galvaude l'image de Charles de Gaulle et de l'héroïsme de la France Libre pour ce type de pantalonnade. Je n'ai rien contre utiliser de temps en temps les exemples historiques, surtout quand ils vont dans mon sens, mais enfin tout de même, on ne doit les employer qu'avec parcimonie et précaution, ce dont ne fait clairement pas preuve Nicolas Dupont-Aignan à cette occasion.
Conclusion
Que dire de ce débat au global? Pour tout vous avouer, j'ai craint dans un premier temps que le débat ne soit un pugilat complètement absurde, n'ayant pour seul résultat que de décrédibiliser la cause souverainiste. De ce point de vue là, je suis presque complètement rassuré. François Asselineau s'est tenu et n'a pas perdu ses nerfs comme il le fait parfois lorsqu'il est confronté à DLF.
Y a-t-il eu un vainqueur? Cet exercice est très difficile, puisque prétendre à une totale objectivité est évidemment très illusoire alors que je suis opposant à François Asselineau. Je ne parlerai pas en tous cas de vainqueur ou de vaincu, puisque ce débat n'était en rien un duel, même si par moment François Asselineau a pu sembler l'oublier, et que globalement on a bien compris que et François Asselineau et Nicolas Dupont-Aignan cherchaient au final à défendre l'agriculture française, ce qui est bien sûr le plus important.
Ceci étant dit et pour ne pas me défiler, j'aurais tendance à dire que c'est Nicolas Dupont-Aignan qui est sorti le plus à son avantage de ce débat que François Asselineau*****. A la fois au niveau de la forme et de la tournure du débat, puisque ce dernier a tourné beaucoup plus autour de Nicolas Dupont-Aignan que de François Asselineau, mais aussi au niveau du fond. Le point clé qui fait que François Asselineau "perd" le débat sur la voie politique à suivre, c'est que Nicolas Dupont-Aignan a une réponse simplissime et efficace à l'encontre de toutes les objections formulées par François Asselineau : si comme vous le prétendez, la voie de la renégociation est impossible, et bien j'en tirerais les conséquence et me retirerais de l'Union Européenne comme vous le préconisez. Du coup, le message politique de François Asselineau est clairement inaudible : il prétend que la voie proposée par Debout la France est impossible et en propose une autre, Debout La France répond simplement que si effectivement cette voie là, évidemment préférable à la seconde, se révèle impossible, alors elle empruntera la voie bis présentée par l'Union Populaire Républicaine.
Fin de l'histoire, et toutes les palinodies de François Asselineau ne peuvent rien contre cette logique. Dans mes débats avec l'UPR, j'emploie finalement assez peu cet argument, alors qu'à la réflexion, si bien entendu il ne disqualifie pas l'Union Populaire Républicaine comme parti, il démonte totalement les accusations infondées qu'elle porte à l'encontre du projet politique de Debout la France.
Edit
Je ne résiste pas à l'envie de vous faire part de cette saillie ridicule de François Asselineau qui prouve si besoin était à quel point cet homme a un égo démesuré qu'il en vient à proférer des commentaires à peine digne d'une cours de récréation :
https://twitter.com/Tythanblog/status/704070854490136576
et de Karim Sehrane, membre du bureau national et qui montre là son véritable visage : celui d'un extrémiste de la droite la plus rancie :
https://twitter.com/Tythanblog/status/704070549660700672
Notes
* Certains de mes amis de l'UPR pensent que c'est le cas, voyant dans le comportement de Nicolas Dupont-Aignan la preuve que le discours de l'UPR le gêne. Pour ma part, je n'en suis pas du tout aussi sûr et je penserais même plutôt le contraire. Pour tout vous avouer, la propension qu'ont les militants de l'UPR à se croire, du haut de leurs microscopiques résultats électoraux, au centre du jeu politique, me fait plutôt sourire. Au fond, peu importe finalement.
** Ce sera, si j'en ai le temps, l'objet d'un article.
*** En revanche, cet arrêt a été l'occasion d'une amende record de 10 millions d'euros pour retard dans la transposition. J'avais cru comprendre qu'elle n'avait finalement jamais été recouvrée, la commission européenne se contentant du symbole de cette lourde condamnation. Malheureusement, je n'ai pas retrouvé cette information, qui, si elle était avérée, irait encore plus dans mon sens. Reste que bien entendu, je trouve le principe de ces condamnations tout à fait scandaleux.
**** Et je précise qu'à mon sens, c'est totalement à tort. Il se trouve que parmi mes proches, je compte des biologistes de très haut niveau, qui sont loin d'être d'affreux néo-libéraux rêvant de nous empoisonner, et qui sont atterrés par l'obscurantisme régnant sur les OGM : oui, il faut les réguler et ne pas tout accepter, mais les OGM ne sont rien d'autres qu'une formidable avancée scientifique à côté de laquelle nous sommes en train de passer. Et ça risque d'avoir de très lourdes conséquences économiques. A ce jour, aucune étude scientifique sérieuse n'a démontrée la nocivité des OGM.
***** Il y a un point auquel je crois que même les supporters les plus acharnés de François Asselineau se rallieront : malgré toutes les fanfaronnades qu'ils ont pu, avec François Asselineau lui-même proférer, il n'y a pas eu d'effondrement de Nicolas Dupont-Aignan et toutes les billevisées qu'ils ont déversé sur le sujet vont je l'espère, cesser.