L'UPR se bat contre des moulins à vents

Publié le par Tythan

Dans une récente interview accordée à la BBC, Barack Obama a appelé le Royaume-Uni à rester dans l'Union Européenne et à refuser le "Brexit", avec des arguments dont je vous laisse juge mais qui restent pour le moins basiques : le Royaume-Uni doit rester dans l'Union pour continuer d'avoir une influence sur le monde grosso modo.

L'Union Populaire Républicaine, dont la prétendue ingérence américaine dans les affaires de l'Europe est censée expliquer toute la construction, ne pouvait évidemment passer à côté de cette information capitale pour souligner avec son habituelle modestie le génie de ses analyses. Un communiqué a donc été pondu sur cette prétendue révélation, qui comme toujours lorsqu'il est question des Etats-Unis, est l'occasion de raconter à peu près n'importe quoi.

Le Communiqué est pour une fois assez sobre, sans longueurs inutiles, et se concentre en fait sur deux arguments : (1) Barack Obama (et donc les Etats-Unis) veulent que le Royaume-Uni reste dans l'UE, (2) alors que peu de temps auparavant les Etats-Unis auraient fait pression pour éviter le Grexit), (3) c'est donc la preuve que l'argument européiste voyant l'Union Européenne comme un contrepoids aux américains est faux.

François Asselineau va même plus loin : cet argument est non seulement faux, mais c'est un mensonge. Dire que c'est un mensonge revient, logiquement, à mettre en doute l'honnêteté de ceux qui l'ont proféré, qui, si l'on suit le raisonnement de François Asselineau, l'ont fait en connaissance de cause. S'ils ont menti sciemment, la seule solution logique, c'est qu'ils sont en fait des agents américains. Je ne crois pas me tromper dans cette suite de déduction, et je parie que beaucoup d'adhérents de l'Union Populaire Républicaine conçoivent cette série logique comme telle et la pensent imparables.

On rappelle bien entendu que le (2), s'il est factuellement vrai, ne démontre en rien que les pressions américaines aient été décisives ni que leur intensité ait été particulièrement forte, comme mon précédent article le prouve.

Mais, pour aller plus loin, l'objection la plus évidente à faire envers François Asselineau, c'est qu'en fait, l'argument européiste visé au (3) a toujours été marginal. Et d'ailleurs, l'exemple que l'UPR donne de l'emploi de cet argument est pour le moins ancien : 1992. Autant dire que cette référence n'est plus d'actualité, d'autant qu'elle se comprend dans le contexte de l'adoption du traité de Maastricht instituant la monnaie unique, laquelle était vue à l'époque comme un possible moyen de contrer l'hégémonie du roi dollar comme monnaie de transaction et comme monnaie de réserve internationale. Il n'en a rien été, mais est-ce parce que cela s'est révélé faux qu'il faille en déduire que les promoteurs de cet argument étaient des menteurs, comme le fait l'UPR? A l'époque, les Américains, du moins certains d'entre eux, s'étaient inquiétés et prédisaient que l'euro prendrait une place prépondérante. En 2009 encore, Alan Greenspan, l'ancien président légendaire de la Federal Reserve Bank, n'excluait pas que l'euro évince le dollar comme principale monnaie de réserve.

En fait, les historiens contemporains s'étant penchés sur l'attitude américaine face à l'euro établissent que les Etats-Unis sont restés au mieux ambivalents au pire indifférents sur la question. Autrement dit, il n'y a pas eu de complot américain pour mettre en place l'euro, ce n'est rien d'autre qu'une fable.

La fin du communiqué de l'UPR est quand même pour le moins inquiétante : "Tôt ou tard, ceux qui ont tant menti aux Français devront leur rendre des comptes". Cette phrase, lourde de menaces, fait quand même un peu froid dans le dos en provenance d'un mouvement soit disant démocratique et respectueux de l'état de droit, d'autant que bon nombre de responsables du Parti Socialiste en 1992 sont toujours en place même si le premier secrétaire de l'époque, Pierre Mauroy, est depuis décédé. Par exemple, Laurent Fabius, notre actuel ministre des affaires étrangères, était membre du bureau national à l'époque. Alors, je pose une question un peu ingénue : de quelle manière devrait-il rendre des comptes?

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